Défier le récit des puissants

Presque douze ans après sa première parution, cette profession de foi de Ken Loach n’a pas pris une ride dans une époque soumise au « capitalisme toujours plus débridé et absolu » que déplore le réalisateur : un appel à non pas tant faire des films politiques que « faire de la politique grâce au cinéma ».

C’est toute une esthétique de la résistance qu’éclaire ici le cinéaste. Mais comment ? En construisant sur le plateau une contre-société dont les valeurs ne sont plus l’argent, ni la starisation, mais le respect et la solidarité entre les membres de l’équipe – de l’assistant à la prise de son aux maquilleuses, aux costumières en passant par les acteurs, le scénariste, le réalisateur… Toutes et tous deviennent des « film makers », travaillant à l’unisson des autres pour porter le récit d’une même voix chorale. Mais aussi en défendant un esthétisme : le cinéaste traite l’objectif « comme un oeil humain » et refuse les gros plans « qui réduisent l’acteur, le personnage à un objet ».

Car Ken Loach, qui se définit comme un « citoyen avant tout », n’a cessé d’écrire avec sa caméra un autre récit que celui des puissants, un récit du futur au service des 99 % face aux 1 % qui continuent de vouloir raconter le monde.